Témoignages de copines et copains FV sur leur engagement

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Pourquoi suis-je devenu faucheur volontaire ?

Parce qu’un jour l’on se dit qu’il faut faire quelque-chose pour que cela change. Un jour, je suis devenu maraîcher parce que je ne voulais plus vendre que ce que je ne produisais pas et non ce que je ne maîtrisais pas. Alors, je suis allé plus loin dans ma réflexion et ai commencé à produire mes propres semences, puis nous avons fondé une maison de semences paysannes à plusieurs.

Parce que nous voulions une autonomie alimentaire à l’échelle d’un territoire, parce que nous ne voulions pas dépendre de firmes qui nous proposaient des semences faites pour d’autres que nous et parce que nous voulions nous réapproprier les savoirs-faire en matière de reproduction du vivant, nous nous sommes organisés pour les produire nous-mêmes. J’aurais pu en rester là, mais quelque-chose manquait à ma démarche, faire changer les choses et aller plus loin.

Quand on a le droit, on le prend. Quand on n’a pas le droit, on prend le gauche. J’ai donc pris le gauche. Et comme je ne suis pas courageux quand je suis tout seul, je me suis dit qu’il fallait le faire ensemble, et ça tombe bien ! Quand on est faucheur, on n’est jamais seul et on prend tous le gauche ensemble afin de faire changer le droit. Faucheur, c’est aussi une epérience de vie, c’est aussi croiser des femmes et des hommes qui se battent et qui gagnent. Faucheur, c’est encore écouter l’autre, entendre l’autre et décider ensemble. Je ne regrette qu’une seule chose à ma décision, c’est de ne l’avoir pris qu’il y a deux ans ! Mais il n’est jamais trop tard…  

Peyo

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Interview de Mireille, médecin et faucheuse volontaire

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Lettre ouverte aux paysans chez qui j’ai fauché du maïs génétiquement modifié cet été.

Anna MASSINA

Chers ami(e)s,

Je vous appelle mes ami(e)s car vous n’êtes pas mes ennemi(e)s, je ne vous ai jamais considérés comme tels même si je désapprouve le fait que vous cultiviez sur vos terres des organismes génétiquement modifiés.

Je désapprouve vos cultures génétiquement modifiées sans pour autant condamner votre travail, vos efforts de tous les jours, l’amour que vous portez à votre terre, vos soucis économiques et familiaux.

Je ne me sens pas de juger les raisons qui font que vous ayez choisi de mettre au service d’une multinationale agrochimique vos champs, vos forces, votre intelligence.. Je ne suis pas contre vous. Je vous respecte.

Et je continue d’apprécier et d’admirer le métier de paysan, qui est l’un des plus beaux du monde, qui est celui qui a la charge de nourrir le monde, qui, entre tous les métiers, a la charge de prendre soin de la Création.

Vous avez fait vos choix, en semant et en cultivant des OGM, et moi j’ai fait les miens.

Cet été je suis venue chez vous, sans être invitée, je le reconnais. Je suis venue chez vous, j’ai pénétré avec d’autres dans vos champs, j’ai piétiné votre terre et j’ai arraché votre maïs, qui était déjà bien haut et bien avancé.

En l’arrachant j’ai pensé à vous, aux soins que vous lui avez apportés, aux heures de labeur… Jamais mais à aucun moment de ces journées là, je n’étais contre vous. Je pensais à vous et je me demandais : « Pourquoi ils ne sont pas là ? Est-ce qu’ils nous voient ? Est-ce qu’ils ont peur de nous ? Qu’est-ce qu’ils vont penser de nous ? ». Je vous voyais revenir sur le champ après notre passage pour constater le désastre. Quels sentiments aviez-vous à notre égard, à ce moment là ? Avons-nous été à vos yeux une horde de sauvages assoiffés de vengeance ? Des irresponsables ? Avez-vous ressenti l’injustice de l’acte gratuit, du vandalisme, du viol de votre terre ?

J’ai eu mal pour vous. Je me suis demandé si vous pourrez, un jour, nous pardonner.

Mais les raisons qui m’ont poussé à arracher votre maïs OGM étaient plus fortes que mes considérations : dans cette question qui m’oppose à vous, les plants OGM en plein champs bien sûr, il y a quelque chose qui touche à la vie et à la mort, à la vie et à la mort des cultures traditionnelles et biologiques, de la biodiversité, à la vie et à la mort dans notre nourriture et pour notre santé, à la vie et à la mort de milliers de paysans, surtout les plus pauvres, dépendants des semences et des semenciers, à la vie et à la mort par l’appropriation du vivant au moyen de brevets par des groupes commerciaux qui deviendraient « les maîtres de la semence et de la vie organique ». La vie et la mort entre les mains d’un seul pouvoir. Quelle arrogance insupportable ! Quel poids pour ma conscience, si je baissais les bras !

Vous n’êtes pas mes ennemis, et je crois dans la vie. Je me bats pour que la vie gagne, toujours. J’ai des enfants et des petits enfants, je me bats pour leur vie, aussi. Et, pour le moment, les plants OGM dans vos champs, sembleraient plutôt nous pousser vers une certaine mort. Je me dois de me battre, je vous dois de me battre.

Je sais avoir enfreint la loi, j’en assume la responsabilité. J’assume aussi la responsabilité d’être arrivée chez vous comme une voleuse. Mais si c’était à refaire, je le referais. Cependant, je pense depuis longtemps vous écrire ces quelques mots pour lancer un pont entre vous et moi.

Veuillez croire à ma sincérité.

 

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